« N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, par un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé.
Celui donc qui violera l’un de ces moindres préceptes, et enseignera aux autres à faire de même, sera tenu pour le moindre dans le Royaume des Cieux ; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume des cieux. »
Saint Matthieu 5, 17-19
Méditation
Étonnants propos de Jésus dans le Sermon sur la Montagne ! Ils précédent immédiatement des phrases du même Jésus articulées autour de « On vous a dit… mais moi je vous dis… », par lesquelles il va prendre ses distances par rapport à plusieurs commandements de la Loi juive. Quant à saint Paul, il ira encore plus loin, puisqu’il se défiera de toute obéissance stricte à des commandements trop précis. Comment, alors, tenir compte de ce que Jésus dit là ?
La clef du problème semble tenir en ceci : toute la Loi juive doit être interprétée à la lumière des deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, ce qui conduit à ne pas l’observer servilement ; mais en même temps, il faut se défendre de sélectionner à l’intérieur de la même Loi. Car sélectionner, cela conduit à choisir ce qui plaît, et non ce qui est exigeant.
Un exemple : le repos du sabbat. Les chrétiens n’observent pas le sabbat juif, ils l’ont remplacé par le Jour de la Résurrection, ou Jour du Seigneur ; et Jésus lui-même avait déjà pris de nombreuses distances par rapport aux préceptes sabbatiques minutieux des pharisiens de son temps. Mais faut-il pour autant négliger ce qui fait la raison profonde du sabbat ? Faut-il renoncer à jouir d’un repos légitime et à consacrer une journée par semaine à Dieu ? Perdre l’esprit du sabbat, on voit à quoi cela conduit : à travailler comme des brutes et à forcer ses personnels à faire de même, à courir après l’argent et le profit, à ne plus prendre le temps de prier, à vivre dans une logique purement marchande… Finalement à s’abrutir dans le travail, à ne plus réfléchir à ce qu’on fait, et à faire passer la logique de l’avoir avant celle de l’être. Joli résultat !
Etre libre par rapport à des commandements trop minutieux, oui. Mais devenir esclave pour cause de manque de repères, ce n’est certainement pas souhaitable.
Michel Quesnel, prêtre de l’Oratoire à Saint-Bonaventure, Lyon