Introduction de « La Grâce du pardon donné » de M. Quesnel

La grâce du pardon donné« Le moi est haïssable », écrivait Pascal. Il est souvent le prétexte à des étalages complaisants qui ne servent à personne d’autre qu’à celui qui s’étale. J’avoue n’avoir guère d’attirance pour l’entreprise de prétendus écrivains qui, au soir de leur vie, n’ont plus rien à dire que se raconter eux-mêmes, et encombrent le monde éditorial de leurs livres. Je ferais donc peut-être mieux de m’arrêter tout de suite. Mais en même temps, je ressens comme une sorte de nécessité intérieure de faire connaître la grandeur, la beauté et les qualités du sacrement de la réconciliation. Et que dire d’un peu neuf sur ce sacrement si l’on se refuse à dire « je » ? Sur le sujet, tout a été écrit ou presque, depuis les manuels des confesseurs de naguère jusqu’à des livres plus récents, présentant le sacrement revu et corrigé par le concile Vatican II, sans compter des témoignages de pénitents racontant leur joie de le recevoir ou, bien plus souvent, leurs déboires.

Est-ce que cela apportera du neuf sur la question ? Je laisse mon lecteur dire s’il a pris de l’intérêt à lire ce livre ou s’il n’y a trouvé qu’un radotage ou une bondieuserie de plus.

Malgré toutes ces publications, y compris les plus récentes qui sont souvent excellentes ou excellemment critiques, on continue d’entendre les phrases les plus caricaturales sur le sacrement de la réconciliation. Si quelqu’un dit dans sa famille qu’il va se confesser, il s’entend souvent dire : « Qu’est-ce que tu vas aller raconter au curé ? » Et de la part de pénitents potentiels : « Pourquoi est-ce que j’irais me confesser ? J’ai toujours les mêmes péchés à avouer, ça ne change rien. De toute façon, je préfère me confesser directement à Dieu, comme les protestants ! » Il me semble alors bon de prendre un autre point de vue et de faire partager à ceux qui voudront bien me lire une expérience extrêmement riche, dont je crois qu’elle peut faire bouger les pénitents, et dont je suis certain qu’elle fait bouger le confesseur. C’est la raison pour laquelle j’entreprends de parler du sacrement de la réconciliation en tant que confesseur et en disant « je ». Est-ce que cela apportera du neuf sur la question ? Je laisse mon lecteur dire s’il a pris de l’intérêt à lire ce livre ou s’il n’y a trouvé qu’un radotage ou une bondieuserie de plus.

Un obstacle est cependant à lever avant de commencer, à savoir le respect du secret de la confession qui lie le confesseur, et qui pourrait me conduire à me taire. Ce secret est inviolable, y compris si un pénitent avoue avoir commis un crime et ne pas avoir l’intention de se dénoncer à la justice. Je n’ai aucune envie de violer ledit secret, et ne m’en sens aucunement le droit. Évidemment, je ne nommerai personne. Évidemment encore, je n’écrirai rien qui pourrait conduire un pénitent à se reconnaître, ou quelqu’un à identifi er son voisin ou un autre proche. Ce sera constamment pour moi une gymnastique assez acrobatique. Mais je suis prêt à la pratiquer, car il me semble important de communiquer quelque chose de ce que je vis comme confesseur et qui me dit quelque chose de Dieu, des hommes et de l’Église.