[L’édito de la semaine] Vers une laïcité ouverte ?

Il ne m’appartient pas de dire ici si j’ai voté ou non pour M. Emmanuel Macron au premier tour des élections présidentielles. Il ne m’appartient non plus de dire si je partage ou non les opinions politiques de M. Gérard Collomb. Mais je me sens le droit de dire que la nomination de l’ancien Maire de Lyon comme Ministre de l’Intérieur – il est en même temps Ministre des Cultes – est une bonne nouvelle pour les relations entre les religions et l’État, dans l’espace de la République.

Tout en étant franc-maçon – c’est de notoriété publique, – M. Collomb a donné de multiples signes de son ouverture aux questions religieuses et spirituelles. Depuis l’année 2001 où il est devenu Maire de Lyon, il a participé aux célébrations du Voeu des échevins, chaque 8 septembre, dans la basilique de Fourvière. Tout récemment, il a préfacé le livre consacré au père Max Bobichon dont nous avons rendu compte dans notre précédent Bulletin (n° 18 du 20 mai 2017). Lorsqu’il m’a dédicacé le livre qu’il a publié chez Plon en 2011, intitulé Et si la France s’éveillait ?, il terminait sa dédicace par « Amicalement » ; j’en ai été honoré. Dans le discours qu’il a prononcé place Beauvau, le mercredi 16 mai dernier, il déclarait : « Je reprendrai la laïcité telle que défendue par Aristide Briand dans la loi de 1905 : il disait que cette loi est une loi de liberté. La liberté de croire ou de ne pas croire. »

Cette conception de la liberté religieuse, ouverte en particulier à l’expression des cultes dans le domaine public, s’opposait à celle du « petit père Combes », beaucoup plus réservé à l’égard des religions, et ne la tolérant guère que dans l’espace strictement privé.

Certes, les conditions ont changé depuis 1905 ; le climat n’est plus le même que celui dans lequel fut rédigée la loi à laquelle personne n’ose toucher, de peur de faire des vagues. Les principales religions en France ne sont plus le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme, comme au début du XXe siècle ; d’autres s’y sont ajoutées. Mais l’opposition entre les deux conceptions de la laïcité portées respectivement par Aristide Briand et Émile Combes continue d’exister. On a vu les effets de celle d’Émile Combes chaque fois qu’elle a prévalu. Gérard Collomb a clairement déclaré que c’était celle d’Aristide Briand qu’il était prêt à défendre ; c’est en même temps celle dont sont porteuses la tradition et l’histoire lyonnaises.

Cette conception va-t-elle devenir, au moins pour un temps, celle que la République va mettre en oeuvre? Notre pays va-t-il s’engager dans la voie d’une laïcité ouverte ?

P. Michel Quesnel, prêtre de l’oratoire, chapelain à Saint-Bonaventure