Désert avec vue…
L’édito de la semaine du 28 février au 5 mars. Paroisse Saint-Eustache.
EDITORIAL. Ma vie est un désert. Je suis seul. Je crie, je respire pour la première fois, je viens de naître. Je suis perdu. Je pleure. Je me suis battu à la récréation. Mes parents ne me comprennent pas. Ma fille ne m’obéit pas. Je suis célibataire. Mon époux ne m’écoute pas. Ma femme ne me soutient pas. Je ne sais plus vers quels hommes politiques me tourner. Je suis persécuté. Je suis différent. Je suis victime de rumeurs. Le stress au travail est devenu insupportable. Je veux gagner toujours plus d’argent. Je n’ai pas de quoi vivre. J’ai faim, j’ai froid. Je suis malade. Je souffre. Mes enfants ne me rendent pas visite. Je suis seul.
Alors que tant de fois dans notre vie, nous nous sentons seuls, abandonnés à nous-mêmes dans le désert de notre existence, Jésus s’en va au désert. Quelle folie ! Que Lui prend-il ? Quelle attraction le désert exerce-t-il sur Lui ? Il est pourtant peu probable qu’Il ait souhaité faire un trek ou de l’escalade. Non, Il n’y est pas guidé par une envie d’ailleurs, mais par l’Esprit, comme le relate Saint Luc.
L’Esprit m’inviterait donc à vivre cette solitude que je crains et qui me fait parfois mal. En effet, comme Jésus dans le désert, cette confrontation avec ma propre solitude oblige à affronter le démon, celui de la dure réalité, mais aussi celui de mes blessures, de mes peurs, de mes égoïsmes, de mes désirs de puissance. L’Esprit m’invite donc à plonger dans l’obscurité de mon cœur, car seule une meilleure connaissance de moi-même me libérera et me permettra d’être disponible aux autres et à Dieu. Il s’agit de faire Carême en mon cœur.
Cela ne signifie pas qu’il faille me recroqueviller sur moi-même ou me placer au centre du monde. Bien au contraire, il s’agit de prendre conscience des autres et de Dieu en moi-même. Car l’empathie est le sentiment qui par excellence me permettra de mieux me connaître tout en aidant mon prochain. L’écoute, le partage, la patience, mais aussi la littérature et le cinéma, permettent de faire silence en moi et de faire vivre l’autre en moi.
C’est alors que l’Esprit se dévoile en moi, que Dieu agit en moi. Je ne suis plus seul. J’aide. J’écoute. Je comprends. Je partage. Je pardonne. J’aime. Et j’espère.
Vincent Huard, paroissien de Saint-Eustache, membre du groupe Jeunes adultes.
