Qu’est-ce que le progrès ? L’édito de la semaine

Depuis le début de l’Avent, des lectures liturgiques tirées du prophète Isaïe annoncent un avenir souriant : plus de guerres, des malades et des handicapés en pleine santé, un monde harmonieux qui fait rêver… Ce message se heurte aux impressions que nous tirons du monde dans lequel nous vivons, qui est loin de connaître une telle harmonie. Pis : nous pensons parfois que la situation s’aggrave et que le monde est moins vivable maintenant que jadis. Alors, Isaïe nous vendrait-il du rêve ? Et si le monde futur tel qu’il l’annonce n’est pas pour aujourd’hui, n’y a-t-il pas au moins quelques progrès qui pourraient nous faire penser qu’Isaïe ne nous trompe pas ?

Vient alors spontanément la question : qu’est-ce que le progrès ? Elle prend une acuité particulière dans une agglomération où de nombreuses personnes lisent quotidiennement le journal local portant ce beau nom : Le Progrès. Fondé le 12 décembre 1859, en période de croissance industrielle et de découvertes scientifiques, il se veut l’expression d’une société dynamique où les choses évoluent dans un sens favorable : les inventions fourmillent, les moyens techniques sont de plus en plus performants, on pressent que l’homme sera de moins en moins asservi aux caprices de la nature, on regarde vers l’avenir avec confiance. Cela rend-il les humains plus heureux ?

Par certains progrès scientifiques et techniques, certainement : on sait maintenant guérir bien des maladies, et bien des handicaps sont allégés. Quant au progrès économique, s’il est utile et mérite d’être favorisé, il a de nombreuses ambiguïtés et limites. Il crée de nouvelles richesses, mais également de nouvelles pauvretés. Et force est de constater que, à mesure que l’économie se transforme, les inégalités sont de plus en plus grandes, tant entre les différentes parties du monde qu’à l’intérieur d’un même État. Non. Le progrès économique tel qu’il se manifeste n’est pas le progrès que nous attendons. Là où le progrès correspond aux espoirs des humains, c’est lorsque les relations s’améliorent, lorsqu’il y a davantage de fraternité. Cela, ce n’est l’oeuvre ni des économistes ni des politiques, mais des prophètes. Parmi ceux qui sont récemment décédés, Mère Teresa fut l’un d’eux, ainsi que l’abbé Pierre. Jean Vannier, fondateur de l’Arche, est encore l’un d’eux. Y en a-t-il d’autres ? Qui d’entre nous est prêt à jouer ce rôle ?

Ce que nous réaliserons n’aura peut-être pas une grande diffusion, mais « les petits ruisseaux font les grandes rivières ». Bougeons. Mettons un peu de fraternité là où nous sommes, alors le progrès ne sera pas un vain mot.

Michel Quesnel, oratorien, chapelain