Un livre, un témoin
Jean-Pierre Lemaire, professeur de lettres et poète, grand prix de l’académie française, était venu pour « Un livre, un témoin » à Saint-Bonaventure en mars 2015.
Françoise Zehnacker l’a interviewé.
Le poète est souvent représenté comme un porte-parole du monde avec lequel il partage ses émotions, ses joies, ses doutes. Face au monde actuel, quelle position adopter ? Le poète doit-il être en harmonie ou en confrontation avec l’environnement ?
Le poète est, bien sûr, « avec » le monde de ses contemporains dont il partage les émotions, les joies, les doutes, parfois les deuils (comme récemment). Mais il n’est pas sur la place publique ; il entre plutôt en sympathie avec la part secrète et quotidienne de ce monde ; c’est à l’occasion d’une rencontre, d’une sensation, d’une découverte particulière que le poète exprimera son harmonie ou son désaccord avec lui.
Vous êtes un écrivain croyant. Est-ce que votre foi influence votre façon d’écrire ou est-ce peut-être le contraire ?
Oui, je suis un écrivain croyant et c’est ma foi dans le Fils de Dieu fait homme qui me rend plus attentif à notre monde, aux visages et aux paysages au milieu desquels il a voulu vivre. Si ce monde est devenu à un moment pour moi la « chair » du poème, c’est parce que le Verbe a assumé cette chair, comme les mots du poème tentent de le faire à leur tour. Mais j’essaie dans mes poèmes de parler à tout homme, pas seulement aux croyants, et de parler de tout, et pas seulement de « thèmes religieux ».
Quelle place tient la poésie dans votre vie ? Est-elle un loisir indispensable, une façon de vivre ou une façon d’être ?
La poésie dans ma vie n’est pas un loisir. Les poèmes sont la trace de moments d’ouverture où mon chemin s’est éclairé, souvent quand je me croyais perdu : ce sont les cailloux du Petit Poucet, qui peuvent servir à d’autres…