Il y a quelques années je participai à une messe célébrée à Dhaka, la capitale du Bangladesh. Ce fut un samedi soir, le dimanche étant un jour de travail. Dans une église modeste, le prêtre s’avança vers l’autel, pieds nus, marchant sur une moquette vieillie. Malgré les allées clairsemées et la condition difficile de la communauté chrétienne dans ce pays, nul sentiment de peur ne transparaissait.
Bien au contraire, les attitudes des fidèles laissaient voir une profonde envie de célébrer la sainte cène de notre Seigneur et une pleine joie de participer à ce moment majeur. Je réalisai qu’être ou devenir minoritaire n’était peut-être pas la catastrophe que certains prédisent en commentant la chute de la pratique chrétienne dans nos sociétés occidentales, ou en appelant à défendre une identité, sorte d’héritage ultime à préserver.
Et si notre minorité n’était pas un problème ? Faisons un constat: le Christ ne nous a promis ni la facilité ni la majorité, mais bien plutôt le contraire. Si nous devons être le sel de la terre, nous demeurons une partie infime agissante, dans un monde qui est autre que nous. Chrétiens, nous sommes ainsi familiers de cette minorité, nous sommes « une présence silencieuse, indistincte, répandue, comme une saveur qu’on ne saurait isoler » disait le père Dabosville, prêtre de l’Oratoire.
Notre minorité en nombre est donc un appel à renouveler la majorité dans notre foi, à prendre notre vocation de chrétien à bras le corps, à questionner notre propre témoignage. Mettre nos pas dans ceux du Christ, chercher à ressembler au Christ jusqu’à devenir Christ nous-même, non pour simplement convertir, mais pour que l’essentiel soit su : Dieu est amour. Si notre minorité est un appel à être un témoin du Christ c’est également une exigence, celle que la parabole du serviteur quelconque nous enseigne : nous faisons ce que nous devons faire, simplement, humblement, inlassablement. Et pour chercher le sens de ce service, pour vivre cet appel exigeant, il y a la Parole, et il y a la vie de la Parole que permet l’Eglise.
Cette minorité est certes parfois difficile à vivre, lorsque les chrétiens sont caricaturés, ou lorsque le nombre de serviteurs de l’Eglise diminue et nous oblige à revisiter nos pratiques. Mais en ce temps de Carême, mettons déjà un peu de la joie du matin de Pâques dans nos questionnements d’aujourd’hui et soyons confiants que, malgré tout, l’Esprit souffle pour que le témoignage continue.
François Perrot, paroissien de Saint-Eustache.