Le dernier roman du père Jean-Marie Martin est paru fin mars. La roulotte de Manolito plonge le lecteur à l’époque tragique des déportations, dans une intrigue où les destins des enfants juifs et tziganes vont s’entremêler. Un récit bouleversant, plein de rebondissements et de suspens, qui nous interroge sur la question de la résilience et du pardon.
Vous avez beaucoup écrit sur la Shoah dans vos précédents ouvrages, était-ce une volonté de faire se croiser cette fois la communauté juive et la communauté tzigane ?
Jean-Marie Martin : Oui, car pendant très longtemps, lorsqu’on parlait des crimes nazis, on parlait de la Shoah et des Juifs, mais on ne mentionnait pas les tziganes ou les autres communautés. Aujourd’hui, on en parle davantage, mais ces communautés restent souvent au second plan. Dans ce roman, je voulais inverser les rôles, afin de sensibiliser davantage au génocide tzigane, deuxième plus important après celui des Juifs à cette époque, pour que ce soit leur histoire, au premier plan, qui nous rappelle également la Shoah.
Quel est le lien entre la Shoah et votre travail d’écriture ?
J.-M. M : Mon intérêt pour la Shoah remonte à 1991, pendant mes études de théologie, quand j’ai passé plusieurs jours à Auschwitz avec le père Jean Dujardin, lors des JMJ en Pologne. Je n’avais pas étudié cette période à l’école, que j’ai arrêtée jeune. Je ne m’en suis pas rendu compte sur le coup, mais cela a été un choc. J’ai été très heurté par ce que j’ai découvert de l’attitude anti-juive des chrétiens. C’est après être rentré à Paris que j’ai voulu comprendre. J’y suis retourné régulièrement, quatorze fois en tout, seul ou avec Le Train de la Mémoire*, que j’ai accompagné plusieurs fois. C’était un lieu qui me hantait complètement et me happait et comprendre est devenu une nécessité. J’ai commencé à témoigner autour de moi et à écrire sur le sujet. En 2000, le hasard a fait qu’à Cracovie, j’ai raté mon bus pour Paris. J’ai décidé alors de me rendre dans le quartier juif de la ville, que je ne connaissais pas. Là, je me suis attablé et c’est comme cela que j’ai commencé à écrire. J’ai imaginé une histoire, celle d’un SS découvrant qu’il avait des origines juives. J’en ai fait une nouvelle, qui s’est transformée après deux ans en un roman, Le Bouleau de Birkenau. C’était le début de mon travail d’écriture, totalement lié à l’histoire de la Shoah.
Dans La roulotte de Manolito, le jeune héros tzigane Stefan, joue sur scène en 1969, le personnage de Yossel Rakover, un juif qui se révolte dans le ghetto de Varsovie. Un personnage que vous avez-vous-même joué au théâtre…
J.-M. M : Oui. J’avais adapté au théâtre le texte de Zvi Kolitz, Yossel Rakover s’adresse à Dieu. C’est cette adaptation théâtrale que je fais jouer à Stefan au théâtre de Chambéry en 1969 et que j’ai d’abord jouée à Auschwitz dans le cadre d’un Train de la Mémoire, puis que j’ai rejouée devant les terminales de Saint Martin de France. Et évidemment, j’adorais jouer le passage que je cite dans le roman ! J’étais totalement pris par ce texte.
Y a-t-il d’autres éléments biographiques dans ce roman ?
J.-M. M : J’ai situé l’histoire dans le village de ma grand-mère, Saint-Martin-en-Bresse ! J’ai grandi à dix kilomètres, en Bresse bourguignonne. Sinon, ni la Shoah, ni le génocide tzigane ne sont liés à mon histoire personnelle, plutôt à un sujet qui m’habite depuis que je suis allé sur place. C’est pourquoi, j’espère que le livre rencontrera un public, car il y a un message humaniste important. Quant au pardon, il n’est pas mentionné, je voulais que le lecteur soit libre d’en penser ce qu’il veut. Ce qui est certain, c’est qu’il y est vraiment question d’un chemin de rédemption…
* Le Train de la Mémoire : association créée par le père Jean Dujardin, qui emmène tous les deux ans 400 lycéens et 100 adultes en train à Auschwitz et Birkenau (www.traindelamémoire.fr)
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