Pédophilie… Cléricalisme… Ces deux maux que connaît l’Église catholique sont sur le devant de la scène publique depuis plusieurs mois. Ils n’ont pas le même statut. La pédophilie des clercs, c’est un délit criminel qui relève de la justice civile et de la justice ecclésiastique. C’est une grave déviance que les médias dénoncent dans de nombreux pays lourdement touchés, de l’Irlande à l’Allemagne, des États-Unis à la France. Nous y sommes particulièrement sensibles en région lyonnaise, puisque des actes pédophiles, dont plusieurs remontent à des décennies, ont été commis par des prêtres dans notre diocèse. Le drame est omniprésent : l’accusation de relations coupables portée contre un prêtre auprès de son évêque a récemment conduit le prêtre en question, dans le diocèse de Rouen, à se suicider avant même que l’enquête le concernant ait été sérieusement engagée.
Le cléricalisme, qui est aussi un mal, est un mal interne à l’Église catholique. C’est le pape François qui a fait le lien entre pédophilie et cléricalisme, en en donnant deux raisons. D’une part, le prestige exagéré de certains prêtres, dans de nombreux lieux d’Église, a eu pour conséquence que des enfants se plaignant à leurs parents d’attouchements suspects venant de clercs n’ont pas été crus : « Le P. Untel ! Tu es fou (ou tu es folle) ! Un homme aussi exemplaire ne peut avoir commis des choses pareilles ! » D’autre part, des évêques et des supérieurs religieux ont couvert des hommes d’Église relevant de leur juridiction pour éviter que l’institution ecclésiale n’en soit entachée. Le cléricalisme a aussi une double origine : l’attitude de clercs qui cultivent abusivement leur image et exercent sur leurs « troupes » une autorité quasi-dictatoriale ; et celle de laïcs qui les placent sur un piédestal, alors que ceux-ci sont d’abord, comme tout chrétien, des frères en Christ et des pécheurs pardonnés. Certains laïcs favorisent le cléricalisme sans s’en douter le moins du monde. Par exemple, ceux qui refusent de recevoir la communion d’autres mains que celles d’un prêtre ; ces personnes offensent à la fois le laïc qui a été missionné pour cela, et le prêtre qui lui a confié cette mission. L’Église sait ce qu’elle fait lorsqu’elle autorise des personnes non ordonnées à donner la communion.
Lutter contre la pédophilie, c’est une affaire énorme qui concerne toute l’Église et dont nous pouvons avoir l’impression qu’elle nous dépasse. En revanche, lutter contre le cléricalisme, qui est pour une part à l’origine de la pédophilie, c’est davantage à notre portée. Parlons-en entre nous, réfléchissons-y dans les communautés ecclésiales. C’est une façon de prendre les maux dont souffre l’Église, par un bout qui nous est accessible. Que l’Esprit Saint nous pousse à ne pas nous dérober !
Michel Quesnel, oratorien, prêtre auxiliaire à Saint-Bonaventure