L’Oratoire considère le ministère ordonné, avec “la liaison particulière à Jésus” qu’il requiert, comme la source privilégiée de la sanctification personnelle et communautaire. C’est pourquoi il ne reconnaît pour ses membres d’autres engagements solennels que ceux du baptême, de la confirmation et de l’ordination.
La Congrégation n’impose pas à ses membres une doctrine spirituelle d’où découleraient des pratiques uniformes. Mais elle possède un patrimoine qui est l’expression de son esprit et en assure la vitalité. Elle accorde une attention particulière à l’Ecriture, dans la tradition vivante de l’Eglise.
En conséquence, la formation oratorienne comporte une étude de ce patrimoine. Si l’on se réfère à l’enseignement du cardinal de Bérulle, ce patrimoine met en évidence trois attitudes essentielles qu’il convient de rappeler.
L’adoration de Dieu
Le Cardinal de Bérulle appuie sa foi sur une conscience aiguë de la grandeur divine. Il est saisi d’admiration en sa présence. “O Etre, source et soutien de tout être ! Etre éternel, immuable, ineffable, vous êtes tout et pouvez tout, vous créez tout, vous conservez tout, vous régissez tout… tout est à vous, tout est par vous, tout est pour vous”.
L’expérience humaine elle-même dans sa complexité nous renvoie au mystère de Dieu. “L’homme est composé de pièces toutes différentes. Il est miracle d’une part et de l’autre néant”, c’est “un néant environné de Dieu, indigent de Dieu, capable de Dieu et rempli de Dieu s’il veut”.
Dieu est notre fin. Il est tout à la fois, le principe et le but de notre existence. “Dieu nous créant en cet univers nous a donné un instinct et mouvement de retour vers lui-même : “tu nous as faits pour toi”. Il nous a référés à lui-même et ce mouvement est inséparable de la créature et durera éternellement”.
“Cette vérité nous oblige à ne vouloir que ce que Dieu nous fait être, à ne vouloir être que dans ses mains et en lui… à ne vouloir agir qu’avec lui”.
La contemplation de Dieu incarné
Bérulle découvre les liens qui unissent la création des hommes et l’Incarnation du Fils: “Il me semble que l’homme que Dieu a fait à son image en la création est plus encore à l’image de l’homme Dieu. Dieu faisant l’homme faisait comme un prélude du mystère de l’Incarnation. Aussi il me semble que Dieu qui voit les choses futures dans les présentes, voit en cette œuvre de la création, celle de l’Incarnation… et qu’il se plaisait à penser au second Adam en façonnant le premier”.
Cette Incarnation, Bérulle y voit essentiellement un don de Dieu, dans lequel le “Fils” renonce à “ce qui l’égalait à Dieu”, pour se donner aux hommes, “extase admirable en laquelle Dieu sortant comme hors de soi entre dans l’être créé et y établit le triomphe… de son Amour”.
Les conséquences de cette Incarnation concernent Dieu Lui-même. D’abord il trouve en Jésus l’adorateur parfait : “De toute éternité, il y avait bien un Dieu infiniment adorable, mais il n’y avait pas encore un adorateur infini, aimant, adorant et servant la Majesté suprême comme elle est digne d’être aimée, servie et honorée”. Dieu trouve aussi en Jésus le parfait révélateur de son être et de son esprit : “Ainsi Dieu incompréhensible se fait comprendre en cette humanité. Dieu ineffable se fait entendre en la voix de son Verbe incarné”.
Les conséquences de l’Incarnation concernent également l’homme. Jésus est “le réparateur de son être” blessé par le péché. Et il est “le chemin” de sa plénitude : “Nous devons regarder Jésus comme notre accomplissement… comme le Verbe est l’accomplissement de la nature humaine qui subsiste en lui”.
Alors l’existence terrestre prend consistance. Dans la lumière du mystère de l’Incarnation, rien de la vie humaine n’est négligeable “Jésus, opérant notre sanctification durant le cours de sa vie a passé fidèlement, exactement, persévéramment par tous les pas et degrés de notre nature… Combien donc est-il raisonnable que celui qui se sanctifie durant le cours de sa vie ne néglige et n’omette rien des obligations de cette vie, pour petites qu’elles lui paraissent, en cherchant avec la même fidélité et manière, se soumettant à tout par amour”.
Le service de l’Incarnation divine
La référence singulière au mystère de l’Incarnation fonde chez le cardinal de Bérulle son idée du sacerdoce. Quelle que soit sa réflexion sur “la grandeur de l’état de prêtrise”, il rappelle que nul homme ne peut se faire Dieu, que Dieu seul peut se faire homme et que Jésus réalise cette double appartenance, Fils de Dieu, communiant à l’homme dans sa souffrance et sa mort. C’est l’Incarnation de Jésus qui le constitue seul prêtre véritable. “Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même qui s’est livré en rançon pour tous”.
L’Église reçoit la mission de rendre présent à l’histoire des hommes l’unique sacerdoce de Jésus et c’est au service de ce Sacerdoce que les chrétiens sont baptisés et que les prêtres sont ordonnés. L’Eglise en effet est le Corps du Christ : “Chaque âme est membre appartenant au Corps du Fils de Dieu, car nous sommes tous greffés en lui comme le cep en la vigne. Nous sommes chair de sa chair et chaque âme fait partie du corps mystique et spirituel de Jésus : “Corps racheté par son sang, nourri de sa vie, vivant de son esprit et uni à son propre corps par l’Eucharistie…”.
Ainsi, la spiritualité bérullienne de l’Incarnation “donne une âme” aux responsabilités que tous reçoivent dans l’Eglise. Sans elle, ces responsabilités ne seraient que 1’exercice d’une fonction. Ce n’est pas dire que rien ne distingue prêtres et laïcs. Toute la tradition oratorienne rappelle cette distinction. Mais c’est révéler implicitement que la racine de tout sacerdoce est unique, qu’il soit baptismal ou qu’il soit ministériel.
De là, l’exigence qui s’impose à tous de travailler à “produire et à former, à conserver et à perfectionner le mystère de l’Incarnation” réalisé en Jésus-Christ puis confié à son Église.