Saint Philippe Neri, un jeune florentin. Par René Boureau
Ce texte reprend l’essentiel du premier chapitre d’un livre sur Philippe Neri que le Père René Boureau avait commencé d’écrire peu de temps avant sa mort.
Texte intégral > Un jeune florentin par René Boureau
En ce début du XVIe siècle, notre regard rétrospectif voit l’achèvement de la Renaissance et l’amorce d’une ère nouvelle, avec le développement de la Réforme protestante et la réaction de la Contre ÂÂRéforme catholique. Période de transition, et donc de turbulence. Rappelons-nous le cheminement des idées et des attitudes. Des siècles de christianisme avaient structuré la société autour du postulat judéo-chrétien. Dieu, maître de vérité et père attentif, a pris soin de se révéler aux hommes et de leur révéler le sens, et le mode d’emploi, de la vie. Cette Révélation, il l’a confiée àl’Église, dépositaire accréditée. Toute vérité, dogmatique et morale, est donc soumise au critère de l’Écriture et de l’autorité ecclésiale. Les hommes, mineurs, ne peuvent que se sou mettre, ou se démettre, dans le réseau de cet ordre, révélé par Dieu et interprété souverainement par l’Église. Mais vint la Renaissance, celle du monde antique, recouvert par l’édifice chrétien, mais alors redécouvert avec sa puissance de séduction : résurgence d’un humanisme païen où s’exalte l’autonomie de l’homme, sa puissance de création, la liberté de ses comportements, son affranchissement àl’égard de la tutelle divine et cléricale. L’Église elle-même est contaminée avec ses institutions mondanisées, ses pontifes ivres de richesse et de pouvoir, ses mÅ“urs relâchées.
Fils de la Renaissance, il en comprendra la séduction et se fera accepter de ceux qu’elle a séduits. Alors, avec sa liberté souriante, il leur offrira la séduction encore plus grande d’un humanisme dans le sillage du Christ son unique amour.
On est proche encore du temps des Borgia ! La Réforme protestante, au XVIe siècle, proteste contre ces déviations, avec sa densité spirituelle, mais avec, aussi, son cortège de déchirures. La Contre-Réforme catholique tente de recoudre les morceaux et de reconstruire l’édifice lézardé. On précise les dogmes, la morale, les sacrements. Et surtout on réorganise les institutions. C’est l’Å“uvre du Concile de Trente (1545- 1563). Ce sera l’Å“uvre aussi d’une série de papes énergiques et délibérément réformateurs. Citons, en particulier:
Paul IV (1555-1559) : il fait grincer les dents en réduisant considérablement les revenus des cardinaux, en obligeant les évêques de la Curie àrésider dans leur diocèse ou en luttant contre le népotisme qui faisait du Saint-Siège la propriété de la famille papale.
Sixte Quint (1585-1590) : il purge Rome du banditisme, réforme la Curie et les ordres religieux, modernise l’urbanisme romain et tente d’établir une version officielle des Écritures. Cette Å“uvre réformatrice, par voie d’autorité, ne pouvait aboutir que sous la mouvance d’un esprit nouveau. Beaucoup de personnalités spirituelles s’y employèrent, tels Charles Borromée, évêque de Milan, ou Ignace de Loyola, fondateur des jésuites. L’intervention de Philippe Néri se situera dans cette ligne. Il nourrira l’âme de ce corps que d’autres rebâtissent. Il n’aura pas de pouvoir officiel, il ne construira pas de systèmes, il ne fondera qu’un groupuscule. Mais par la contagion de son être et de sa vie, il apportera l’esprit sans lequel nulle réforme n’est féconde en profondeur.
Fils de la Renaissance, il en comprendra la séduction et se fera accepter de ceux qu’elle a séduits. Alors, avec sa liberté souriante, il leur offrira la séduction encore plus grande d’un humanisme dans le sillage du Christ son unique amour (…)
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