La miséricorde, le chaos et la prière
En liant amour et vérité, la miséricorde de Dieu incarnée par Jésus a vaincu la violence qu’elle a démasquée.
Quand, face au chaos, la miséricorde semble naïve, le pardon… impossible, l’indulgence…faiblesse, l’appel au discernement évangélique… inaudible. Éveille en nous le miséricordieux qui sommeille ! Dans les situations où, face aux menaces, se présente la tentation de privilégier le rapport de force, la raideur, le clivage, se rejoue le dialogue entre Jésus et Pierre au moment de son arrestation au Mont de oliviers. Alors que Jésus assume jusqu’au bout « le chemin » (Jean 14, 8) de la miséricorde qu’il incarne, le recours à la force a semblé plus efficace à Pierre.
Entre le Père de Jésus et le dieu de Pierre, s’est ouvert un autre volet du procès de Dieu engagé entre le témoignage de Jésus et les positions de ses coreligionnaires. Celui que les hommes ont condamné, Dieu l’a ressuscité. Le chemin de la miséricorde incarné par Jésus à travers sa parole et ses actes, repoussé par ses disciples, Dieu l’a authentifié en le ressuscitant.
En liant amour et vérité, la miséricorde de Dieu incarnée par Jésus a vaincu la violence qu’elle a démasquée. Nous l’avons confessé dans la nuit de Pâques. N’oublions pas qui nous avons proclamé ressuscité par Dieu, au moment où nous sommes appelés à emprunter, à sa suite, le chemin de la paix de Dieu qu’il a ouvert pour nous !
Huit jours plus tard, les disciples se retrouvent, prisonniers de leur peur. L’Évangile du 2e dimanche de Pâques, dit de la miséricorde divine, met en scène le souffle de paix que Jésus leur communique à deux reprises. Entre ces manifestations de la paix offerte, l’évangéliste présente l’incrédulité de Thomas qui demande à y voir de plus près. Le souffle de paix offerte est jugé inaccessible en raison de l’incrédulité de Thomas. La même incrédulité que celle de Pierre au Mont des Oliviers. Les marques de la passion ouvrent Thomas à « l’intelligence de la miséricorde de Dieu » : le Ressuscité et celui a été arrêté et condamné à mort sont bien une seule et même personne, le nazaréen avec lequel il avait cheminé pendant trois ans.
Entre les deux offres de la paix de Dieu, faire mémoire du procès de Jésus est nécessaire pour passer de l’incrédulité à la foi pascale. Dans le chaos que nous vivons, devant les faits de violence absolue que nous constatons, se poursuit le procès de Dieu qui s’est joué dans celui de Jésus. Il se poursuit dans les réactions à l’irruption des différentes formes de violence sur nos écrans. Quel chemin choisirons-nous entre la tentation de Pierre de répondre avec le glaive et le chemin ouvert et parcouru par Jésus avec le glaive de la miséricorde ? Puisqu’un procès a pour objet d’établir la vérité en vue de rendre la justice, qui incarne la vérité de Dieu ? Le travail de la miséricorde est devant nous, pour suivre Jésus sur le chemin où lui-même s’est risqué.
En liant amour et vérité, la miséricorde de Dieu incarnée par Jésus a vaincu la violence qu’elle a démasquée. Nous l’avons confessé dans la nuit de Pâques. N’oublions pas qui nous avons proclamé ressuscité par Dieu, au moment où nous sommes appelés à emprunter, à sa suite, le chemin de la paix de Dieu qu’il a ouvert pour nous !
Lorsque nous doutons de nous et de notre capacité à faire vivre le miséricordieux qui sommeille en nous, rappelons-nous ce geste et cette parole posée sur nous et prions le Seigneur de nous donner l’intelligence de sa miséricorde.
L’usage du mot miséricorde, « qui a le cœur sensible au malheur » est d’abord attesté comme un attribut de Dieu. Ce qui était attribué exclusivement à Dieu, à première vue inaccessible à l’homme, l’Évangile en fait une promesse de vie, un chemin d’accès à la vie de Dieu : « Heureux les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde » (Mt 5, 7). Dans le Nouveau Testament, la miséricorde incarnée par Jésus au nom de Dieu, choque ses contradicteurs. Pourtant, l’invitation de Jésus atteste que sa confiance en l’homme va jusqu’à le croire capable de mettre en œuvre ce qui est réputé appartenir à Dieu. Et lui-même incarne cette capacité de l’homme à faire miséricorde.
À travers le compagnonnage bienveillant vécu avec ses disciples et ses interlocuteurs, il révèle la puissance de la miséricorde dont l’homme est capable, s’il veut… La miséricorde est alors la dimension divine ou spirituelle qui habite chaque être humain. Comme le Royaume de Dieu, elle est un champ à cultiver ou une graine de moutarde qui peut grandir ou sécher et mourir sur le chemin.
Lorsque l’incrédulité nous tente dans les situations de chaos, fortifions notre marche à la suite du Christ en faisant mémoire de la confiance que Dieu place en nous, à travers la parole prononcée sur nous au jour de notre baptême. Lorsque nous doutons de nous et de notre capacité à faire vivre le miséricordieux qui sommeille en nous, rappelons-nous ce geste et cette parole posée sur nous et prions le Seigneur de nous donner l’intelligence de sa miséricorde.
François Picart, prêtre de l’Oratoire